CEPAM � UMR 6130
Universit� de Nice - CNRS
Vendredi 10 novembre 2006
Nice. Mus�e Arch�ologique de Cimiez
Monachisme et espace social
en Occident,
de l�Antiquit� au Moyen �ge
- Recherches actuelles sur quelques sites monastiques majeurs
dans l�histoire occidentale -
Programme des interventions :
9h30 � 12h30 :
Michel Lauwers,
Br�ve introduction � la Journ�e d��tude.
Yann Codou, L�rins.
Elisabeth Lorans,
Marmoutier.
Bruno Judic, Le
projet � Saint-Martin de Tours �.
Brigitte Boissavit-Camus,
Ligug�.
14h30 � 17h30 :
S�bastien Bully,
Les monast�res jurassiens et Luxeuil.
Gisella Cantino-Wataghin, Noval�se.
Federico Marazzi, San Vincenzo al Volturno.
R�cemment,
� l�instigation de Yann Codou et Michel Lauwers, l��quipe des m�di�vistes du
CEPAM a rouvert les dossiers arch�ologiques et historiques - �trangement peu
exploit�s - concernant l'abbaye de L�rins. Le premier int�r�t de ces
dossiers tient tout d�abord au fait que les recherches peuvent �tre men�es dans
la longue dur�e, depuis l'installation des moines au d�but du 5e
si�cle jusqu'� la fin de la p�riode m�di�vale, et que l�arch�ologue comme
l�historien peuvent fonder leurs investigations sur des documents, monuments de
pierre et de parchemin, relativement abondants dans l'Antiquit�, puis � partir
du 11e si�cle. Il n�existe � ce jour aucune �tude de grande
ampleur sur le complexe monastique de L�rins, compos� d�un ensemble
abbatial avec �glise double, d'une tour fortifi�e (transform�e en monast�re
avec lieu(x) de culte, dans lequel se sont install�s les moines durant une
longue p�riode) et de ce que l�on serait tent� d�appeler un
� r�seau � de sept oratoires ou chapelles, qui paraissent borner un
espace monastique qui s�identifie au site insulaire. De quand date cette
topographie? Renvoie-t-elle � un plan d�ensemble (dont il conviendrait alors de
saisir la coh�rence) ou r�sulte-t-elle d�interventions et de strates
successives ? Dans quel contexte les diff�rents �l�ments de cette
topographie ont-ils �t� mis en place ? Quelles significations ont �t�
donn�es, y compris a posteriori, � cet ensemble ?
Une particularit� du
cas l�rinien r�side dans la dimension insulaire du site. Un Colloque intitul� L�rins,
une �le sainte de l�Antiquit� au Moyen �ge a �t� organis� en juin 2006 �
Nice et � Saint-Honorat. Les participants � cette rencontre se sont attach�s
aux conditions et aux formes prises par l�implantation des premiers asc�tes sur
l��le (ou les �les : Saint-Honorat et Sainte-Marguerite), � une �poque qui
est celle de la diffusion de l�asc�tisme, puis du monachisme en Occident, ainsi
qu�au processus selon lequel L�rins est rapidement devenu un lieu d�attraction
alors sans �quivalent sur les plans spirituel, intellectuel et social, et un
lieu d�essaimage, fournissant personnel, structures d�autorit� et syst�me de
valeurs � la soci�t� tardo-antique. Ils se sont aussi int�ress�s � la mani�re
dont s�est progressivement constitu�e, � L�rins, entre l�Antiquit� et le Moyen
�ge, une id�ologie de l�� �le sainte �, autorisant les asc�tes �
identifier leur monast�re (et leur �le) � l��glise
dans son ensemble et � valoriser par cons�quent ce lieu tr�s particulier. Une
part importante des recherches relatives � la p�riode m�di�vale a port� sur la
fa�on dont les moines ont, � partir du 11e si�cle, au sortir d�une
p�riode de d�sh�rence, peut-�tre d�abandon, � re-sacralis� � l��le,
en r��crivant leur pass�, en � falsifiant � leurs archives et en
b�tissant un paysage monumental original, constitu� d�un � r�seau �
de lieux sacr�s, imposant � nouveau leur monast�re comme p�le d�attraction,
rayonnant dans la soci�t� de leur temps. Fond�es sur l�histoire de la
communaut� l�rinienne, ces recherches renvoient � des probl�mes g�n�raux :
d�une part, sur la place et les fonctions de l�asc�tisme et du monachisme dans
la soci�t� de l�Antiquit� tardive ; d�autre part, sur les processus de
mise en sc�ne (et de mise par �crit) de la m�moire et de construction de
l�espace sacr� au sein de la soci�t� m�di�vale.
Si le Colloque de
juin 2006 a privil�gi� la dimension historique des dossiers l�riniens et
l��tude des textes (qu�il �tait dans un premier temps plus ais�
d�entreprendre), c�est bien la question de l�organisation spatiale de ce site
monastique insulaire qui a inspir� les perspectives de la recherche - depuis la
conception du projet et l�id�ologie qui l�a soutenu jusqu�aux am�nagements
mat�riels. Sur le plan arch�ologique, l�enqu�te a toutefois �t� amorc�e :
au cours des deux derni�res ann�es, des relev�s d�un certain nombre de
chapelles et du clo�tre, des sondages tr�s partiels (chapelle Saint-Sauveur)
ont �t� effectu�s, ainsi qu'une relecture des fouilles anciennes[1].
Tandis
que nous nous efforcions de relancer les recherches concernant L�rins, �lisabeth Lorans reprenait, � Tours, un
autre dossier arch�ologique important, celui de Marmoutier, l'autre grand site
monastique de Gaule entre Antiquit� et Moyen �ge. De son c�t�, � Tours
�galement, Bruno Judic organise un projet de programme pluriformation � Saint
Martin de Tours �, relatif � la figure de saint Martin et au culte
martinien. Il nous a donc paru logique d�essayer d�articuler, d�une mani�re ou
d�une autre, des projets qui ont en commun de porter sur ces importants
monast�res de l�histoire occidentale, � revisit�s � par des �quipes
d�arch�ologues et d�historiens travaillant sur des b�timents et sur des textes
dans une relative longue dur�e[2]. Il �tait par ailleurs logique de lier � ces
recherches relatives � L�rins et � Marmoutier les travaux r�cents et en cours
concernant Ligug� (Brigitte Boissavit-Camus) et Saint-Claude et les abbayes
jurassiennes (S�bastien Bully), autres p�les du monachisme du haut Moyen �ge
occidental. Il nous a paru enfin int�ressant de confronter nos approches avec
celles de nos coll�gues italiens travaillant en ce moment sur des sites
semblables dont ils renouvellent l�histoire : Gisella Cantino Wataghin (�
propos du monast�re de la Novalese) et Federico Marazzi (pour l�ensemble
monastique de San Vincenzo al Volturno).
La
Journ�e d��tude du 10 novembre est tout d�abord destin�e � pr�senter, dans le
cadre d�un s�minaire tr�s ouvert, chacun de ces dossiers : pr�sentation
des diff�rents �l�ments de chaque site, documentation disponible, �tat de la
question, relectures en cours, derniers acquis, hypoth�ses de travail,
m�thodologie, etc. Cette sorte de tour de table permettra d�appr�cier ensuite
s�il est possible et souhaitable d�articuler nos recherches respectives, par
exemple en nous associant dans le cadre d�un programme de recherche collectif.
L'un des fils conducteurs, commun aux diff�rents dossiers examin�s par les
uns et les autres, arch�ologues et historiens, antiquisants et m�di�vistes,
pourrait �tre la question de l�espace tout � la fois sacr� et social que
constitue le monast�re : mise en oeuvre (et en espace) de la rupture
avec le monde, am�nagement de lieux (r�sultant de l�institution d�une
cl�ture), modalit�s de l�organisation spatiale de la vie commune (des cellules
au dortoir et au clo�tre) et du culte (�glises multiples vs. sanctuaire
unique : hi�rarchisation, rapports centre / p�riph�rie), processus de
polarisation (par la sacralisation, les pratiques liturgiques et le p�lerinage
par exemple). On sera attentif � la mani�re dont a �volu� la structure spatiale
que repr�sente le monast�re, et l�on pourrait �galement s�interroger sur la
place du monast�re dans l'espace social : comment un micocosme de la
soci�t�, ancr� en un lieu ou en un semis de lieux particulier(s), consacr�(s),
se projette-t-il dans son environnement, tant par l�am�nagement de prieur�s et
de territoires que par la production de mod�les spatiaux s�imposant �
l�ensemble de la soci�t� ?
[1] Pour une premi�re synth�se et quelques hypoth�ses : Yann Codou, � Le paysage monumental �, dans AA.VV., Histoire de l�abbaye de L�rins, Abbaye de Bellefontaine : ARCCIS, 2005, p. 249-316. Ce volume, auquel a �galement particip�, pour la partie consacr�e au Moyen �ge, Eliana Magnani, constitue un premier jalon dans la perspective d�une synth�se sur l�abbaye de L�rins entre l�Antiquit� et le Moyen �ge.
[2] Dans une telle perspective d��tude conjointe des b�timents et des
textes, il faut signaler les recherches lanc�es au milieu des ann�es 1980 sur
Saint-Germain d�Auxerre autour de Dominique Iogna-Prat et de Christian Sapin. Tout
r�cemment, D. Iogna-Prat soulignait cependant les difficult�s de mise en oeuvre
de ce double chantier et les probl�mes d�articulation entre le travail des
arch�ologues et celui des sp�cialistes des textes (� Il �tait une fois le
Centre d��tudes m�di�vales... �, dans Bulletin du Centre d��tudes
m�di�vales d�Auxerre, 10, 2006, p. 9-17, en particulier p. 14). Il faut
aussi �voquer le Colloque Saint-Victor de Marseille, organis� par Michel
Fixot, qui a r�uni en novembre 2004 arch�ologues, historiens et litt�raires �
propos de l�abbaye Saint-Victor et de ses productions, de l�Antiquit� au Moyen
�ge. Les fouilles men�es � Saint-Victor font actuellement l�objet d�une
relecture et d�une synth�se.